CHAPITRE TROISIEME DE LA SEPARATION DES POUVOIRS AU BENIN
3-1. DES DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES
La Conférence des Forces Vives de la Nation tenue en Février 1990, et qui a ouvert la brèche à la démocratie béninoise avait déjà à cœur la question de la séparation des pouvoirs. Aspirant au régime démocratique, le Bénin devait fonder son nouveau régime politique sur le principe qui caractérise essentiellement celui-ci. Du monolithisme à un régime pluraliste, le Bénin optait ainsi à la sauvegarde des libertés individuelles et collectives. La dictature de la classe dirigeante à l’égard des citoyens et beaucoup d’autres comportements antidémocratiques telles que les arrestations arbitraires devaient donc laisser place à la liberté d’expression, au multipartisme et surtout à la « démonopolisation du pouvoir»
La pensée politique béninoise avant les années 90 était caractérisée par une propagande hystérique, un endoctrinement du peuple par le pouvoir politique. En un mot, les régimes politiques d’après les indépendances et d’avant les années 90, ont conduit le Bénin vers un chaos politique et économique. Face à cette situation, il était urgent pour les Béninois, fussent-ils gouvernants ou gouvernés, d’opter pour un nouveau régime politique qui prendrait en compte ou permettrait la participation de tous les citoyens à la gestion de l’Etat. Dans cette vision, il était nécessaire voire indispensable de créer les conditions d’un vrai renouveau démocratique où plus rien ne serait comme avant. Telle était la principale mission de l’historique Conférence d’Alédjo qui a permis de sortir par la voie pacifique des affres du régime du Parti de la Révolution Populaire du Bénin (PRPB).
Le Bénin venait ainsi de s’engager sur la voie de la démocratie, et donc s’engage à respecter les principes fondamentaux et essentiels de son nouveau système politique. Il fallait donc faire du pouvoir un instrument de justice sociale et d’équité afin d’éviter l’abus et l’arbitraire du pouvoir. Il fallait donc s’engager sur la droite ligne du respect du principe de la séparation des pouvoirs.
A cet effet, la loi N°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin prévoit la séparation des pouvoirs, notamment en ses articles 98, 125 et 126. La constitution permet d’éviter la fusion des rôles dans les mains d’un seul organe, encore moins dans les mains d’une seule personne, ce qui pourrait conduire dans le gouffre. Ainsi, la loi fondamentale a-t-elle créé des institutions ou des organes politiques dotés du pouvoir public. Il s’agit des pouvoirs Législatif, Exécutif et Judiciaire et d’autres institutions telles que la Cour constitutionnelle et la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication. Ces différents corps se font contrepoids et permettent de ce fait une bonne gestion et une gestion participative de l’Etat béninois.
3-1-1. Le pouvoir législatif au Bénin
La Constitution béninoise, en établissant le régime de la séparation des pouvoirs a institué le pouvoir législatif, véritable institution de contrôle. Le pouvoir législatif est celui de la représentation nationale.
Ce sont les articles 79 à 93 de la Constitution qui définissent les attributions du pouvoir législatif au Bénin. L’alinéa 2 de l’article 79 stipule que le Parlement « exerce le pouvoir législatif et contrôle l’action du gouvernement». Il se dégage de cet article que le Parlement que constitue l’Assemblée Nationale, a la responsabilité et le droit de légiférer d’une part, et d’autre part il a le droit, -et plus qu’un droit, il a le devoir- de contrôler les actions du gouvernement. En effet, l’Assemblée Nationale doit voter des lois qui sont l’expression de la Volonté générale. Aussi doit-elle s’assurer que les intérêts supérieurs du peuple sont pris en compte par l’Exécutif que représente le Gouvernement. L’Assemblée Nationale doit traduire les vraies aspirations du peuple qui l’a mandatée et c’est en cela qu’elle assure la représentation nationale. Et à l’article 80 d’ajouter que «…chaque député est le représentant de la Nation tout entière » En tant que mandataires du peuple, les députés doivent être à l’écoute et au chevet des populations qui les ont mandatés. Mieux, ils doivent faire connaître les aspirations des populations à l’appareil gouvernemental. Aussi, doivent-ils faire contrepoids au Gouvernement en contrôlant ses actions.
3-1-2. Le pouvoir exécutif au Bénin
Aucune société politique, aucun Etat ne peut fonctionner de façon démocratique, sans un pouvoir chargé d’appliquer et de faire appliquer par des moyens légaux les lois élaborées dans l’intérêt supérieur de la nation. Ce pouvoir, dénommé pouvoir exécutif dans presque tous les Etats démocratiques, et dans le cas d’espèce dans la république du Bénin, est un pouvoir très important de l’Etat, en cela même qu’il a pour rôle de conduire les actions qui concourent à la bonne gestion de la société politique et à l’intérêt général. L’Exécutif apparaît dons comme le garant des prérogatives liées à la gestion quotidienne de l’Etat, à travers la mise en application des lois de la société.
La Constitution béninoise assigne au pouvoir exécutif la garantie du respect des Droits de l’Homme et du Citoyen. Mieux, c’est face au pouvoir exécutif que le citoyen doit défendre ses droits. Le pouvoir exécutif a pour fonction de déterminer la politique de l’Etat et de garantir la sécurité des citoyens, l’exécution des lois et des décisions de justice. De ce fait il doit établir un franc dialogue et une franche collaboration avec les autres institutions de l’Etat. Toutefois, le principe de la séparation des pouvoirs oblige le pouvoir exécutif à rester dans son champ de compétence dans l’exercice de sa fonction.
Au Bénin, le pouvoir exécutif composé du Gouvernement, de l’Administration et de la Force Armée, est essentiellement exercé par le Président de la République qui est en même temps chef de l’Etat et du Gouvernement. Il désigne ses ministres, nomme et révoque les membres de l’Administration selon son plan de gestion. Le chef de l’Etat au Bénin est élu au suffrage universel direct, et ceci pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois . En outre, le Président de la République est le détenteur du pouvoir exécutif ; il détermine et conduit la politique de la Nation. Il est alors à noter que l’Exécutif béninois a « une seule tête », c'est-à-dire qu’il a un chef unique qui est en même temps chef de l’Etat et chef du Gouvernement. Dans d’autres pays à l’instar de la France, l’Exécutif a deux chefs à savoir le Président de la République qui est le chef de l’Etat, et le Premier Ministre qui est le chef du Gouvernement.
3-1-3. Le pouvoir judiciaire au Bénin
C’est l’article 125 de la Constitution du 11 Décembre 1990 qui énonce la séparation du pouvoir judiciaire des autres pouvoirs de l’Etat. En effet l’alinéa 1 de cet article stipule que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.» Le pouvoir judiciaire au Bénin est exercé par la Cour Suprême, les Cours et Tribunaux créés conformément à la Constitution. En outre, la justice est rendue par les hommes de droit à savoir les Magistrats (de siège et de paquet) et les autres auxiliaires de justice qui sont « la bouche du droit » Le pouvoir judiciaire béninois répond à deux principes fondamentaux, garantissant la bonne marche de la démocratie :
- l’égalité devant la loi : C’est un principe de justice et d’équité qui interdit toute discrimination dans l’application de la loi envers les sujets de l’Etat. De ce fait toutes les institutions sociales doivent y veiller. Le principe de l’égalité devant la loi est énoncé à l’article 26 de la Constitution béninoise du 11 Décembre 1990, qui dispose que « l’Etat assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction d’origine, de sexe, de religion, d’opinion ou de position sociale »
- le double degré de juridiction : c’est un principe qui
permet au plaideur non satisfait d’une décision en première instance de la contester par voie d’appel devant une juridiction supérieure. La mise en œuvre de ce principe est principalement dévolue à la Cour d’Appel. Au Bénin, la hiérarchie juridictionnelle se présente comme suit
• La Cour Suprême : c’est la plus haute juridiction de l’Etat en matière administrative, judiciaire et des comptes de l’Etat. Ses décisions s’imposent à tous les pouvoirs, et elles ne sont susceptibles d’aucun recours. (cf. 131 de la Constitution)
• La Cour d’Appel : elle est compétente pour connaître de tous les jugements rendus en premier ressort par les Tribunaux de Première Instance (TPI) et frappés d’appel dans les formes et délais de la loi.
• Les Tribunaux de Première Instance qui sont juges de droit commun en matière civile, pénale, commerciale et sociale quelque soit le statut personnel des parties et dans les formes de la procédure en vigueur.
Outre les instances judiciaires, le pouvoir judiciaire est également exercé par les juridictions de portée politique notamment la Cour Constitutionnelle et la Haute Cour de Justice.
- « La Cour Constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. » On remarque à travers cette disposition que la Cour Constitutionnelle est une institution de contrepoids aux pouvoirs publics et de ce fait, elle a une compétence assez vaste. L’article 115 de la Constitution fixe le nombre des membres de la Cour constitutionnelle à sept, dont quatre sont nommés par le bureau de l’Assemblé Nationale et trois par le Président de la République pour un mandat de cinq renouvelable une fois.
- La Haute Cour de Justice : elle est compétente pour juger le Président de la République et les membres du Gouvernement à raison des faits qualifiés de haute trahison, d’infractions commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ainsi que pour juger leurs complices en cas de complot contre la sûreté de l’Etat.
3-2 DE L’APPLICATION DU PRINCIPE DE SEPARATION DES POUVOIRS AU BENIN.
La Constitution béninoise du 11 Décembre 1990 a prévu la séparation des pouvoirs en République du Bénin. Les différents organes de la société étatique sont donc définis par la loi fondamentale du Bénin. Mais il faut dores et déjà dire que les dispositions constitutionnelles régissant la séparation des pouvoirs n’impliquent pas l’application d’office du principe. L’application du principe de séparation des pouvoirs est-elle effective en République du Bénin ? Mieux, depuis l’adoption de la Constitution du 11 Décembre 1990, consacrant le Bénin "Etat de droit", les diverses institutions composant l’Etat ont-elles toujours exercé leur pouvoir conformément au principe de séparation des pouvoirs ?
A cette question nous ne saurions répondre a priori ni par l’affirmative ni par la négative sans avoir passé à la loupe les rapports qu’entretiennent ces pouvoirs. Toutefois il ne serait pas aller trop vite en besogne que de répondre que tout n’est pas pour le meilleur dans la démocratie béninoise. En effet, le fonctionnement des institutions étatiques béninoises, et dans le cas d’espèce l’application du principe de la séparation des pouvoirs, suscitent de maintes interrogations au point où l’on est fondé à se demander si les règles du " jeu démocratique " sont respectées au Bénin.
Du point de vue formel, il est à louer que les textes en vigueur en République du Bénin prévoient l’observation des principes vecteurs du système démocratique, et notamment du principe de la séparation des pouvoirs. La distinction entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire est l’expression d’une volonté manifeste d’adhérer à la " famille démocratique". A ce propos, on ne peut que dire que l’Etat béninois a fait preuve de maturité politique, par le fait qu’il s’engage, et ceci de façon authentique à respecter les règles du « jeu démocratique »
En revanche, et comme nous l’avons dit en filigrane, les dispositions formelles (les textes) n’impliquent pas l’application d’office des principes démocratiques. Les dispositions formelles qui constituent les statut et règlement de la société étatique béninoise, ne sont presque qu’une transposition des modèles politiques français en république du Bénin. Or, comme le dit Peter Basten, « la souveraineté du peuple dans ses formes concrètes et dans les cas individuels est fonction de la tradition, de l’héritage culturel et du progrès de la civilisation du pays considéré »
De ce fait, il est clair que les règles de la démocratie béninoise ne traduisent pas la réalité politique béninoise.
Aussi, le cadre historique et politique de l’adoption de la Constitution du 11 Décembre fait-il dire que ce texte a été adopté pour éviter un plus grand mal, mais non forcément pour instaurer un vrai régime démocratique. Le peuple béninois las, déçu, vexé, caricaturé, et éreinté par le régime du Parti de la Révolution Populaire du Bénin ; le peuple béninois, souffrant et soupirant au bord du gouffre, s’est trouvé dans l’obligation de préférer un moindre mal que de tomber dans le gouffre. Voila dans quelle atmosphère fut adoptée la Constitution béninoise du 11 Décembre 1990.
Cette situation a de nombres conséquences négatives sur la Démocratie béninoise, notamment dans l’application du principe de séparation des pouvoirs.
3.2.1 Crises liées à l’application du principe de séparation des pouvoirs
Les différents organes de l’Etat, dans l’exercice de leur pouvoir, ne respectent toujours pas le principe de la séparation des pouvoirs. Le plus souvent, le non respect du principe résulte de l’immixtion de l’Exécutif dans l’exercice des prérogatives reconnues aux autres pouvoirs. En effet, dans les rapports qu’il entretient d’une part avec le Législatif et d’autre part avec le Judiciaire, le pouvoir exécutif n’use pas seulement de ses prérogatives. Il arrive souvent qu’il en abuse. Nous citerons ici en exemple un cas où la Cour constitutionnelle a été amenée à rendre un arrêt en dénonçant l’immixtion du pouvoir exécutif dans les affaires relevant de la compétence du pouvoir judiciaire.
Le conseil des ministres en sa séance du mercredi 10 octobre 2007 a ordonné de suspendre provisoirement les décisions de justice concernant les litiges domaniaux en milieu urbain. En effet, estimant que l’application de ces décisions donne souvent lieu à des démolitions de bâtiments et des déguerpissements souvent accompagnés d’actes de violence et d’affrontement avec les forces de l’ordre, faisant au passage des familles sans abri, le gouvernement en est venu à décider unilatéralement de la suspension provisoires des décisions de justice en ce qui concerne les litiges domaniaux en milieu urbain.
Cette décision a été mal appréciée notamment par les hommes de droit qui incarnent le pouvoir judiciaire, et a fait l’objet de plusieurs recours devant la Cour constitutionnelle. Dans leurs requêtes, les requérants estiment que le gouvernement, par cette décision, viole les articles 59, 125 al.1, et 126 al.2 de la Constitution du 11 décembre 1990. En effet, en décidant unilatéralement de suspendre les décisions de justice, le gouvernement s’ingère dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire, et se permet de remettre en cause les décisions rendues par la justice. Pire, il incite les autorités chargées de l’exécution des décisions de justice à mépriser l’ordre constitutionnel et à violer les lois et règlements de la République. Par cette décision le gouvernement viole le principe de la séparation des pouvoirs.
La Cour, dans son arrêt DCC 07-175 rendu le 27 décembre 2007 dénonce le non-respect du principe de séparation des pouvoirs par le gouvernement, en jugeant contraire à la Constitution cette décision du conseil des ministres.
Plusieurs autres cas de non respect du principe de la séparation des pouvoirs sont également notés dans les rapports que les différents pouvoirs de l’Etat béninois entretiennent entre eux. En effet, les rapports entre l’Assemblée nationale et le gouvernement, les rapports entre le gouvernement et la justice et même des fois les rapports entre le gouvernement et la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication ne respectent toujours pas le principe de la séparation des pouvoirs et donc, ne sont toujours pas en conformité avec la Constitution et les fondements du système démocratique.
3.2.2 Diagnostic des crises liées à l’application du principe de séparation des pouvoirs au Bénin
A y voir de près, on se rend compte que la composition même des différents pouvoirs favorise peu ou prou l’immixtion condamnable de l’exécutif dans la gestion des pouvoirs judiciaire et législatif. Dans un pays où la corruption et l’achat de conscience ne cessent de régner, dans un Etat où l’Assemblée nationale est fortement composée de députés alliés au gouvernement en place, il n’est plus à démontrer que la volonté de ces députés n’est que la volonté du gouvernement en place, fut-elle bonne ou mauvaise. De ce fait, le président de la république n’est plus seulement le chef de l’exécutif, mais il devient aussi un personnage très influent dans les décisions du législatif.
Le manque d’effectivité dans l’application du principe de séparation des pouvoirs au Bénin se note beaucoup plus dans les rapports entre l’exécutif et le judiciaire. En effet, la composition du pouvoir judiciaire montre qu’il est fortement politisé, et donc logiquement ne peut avoir de volonté autre que celle du gouvernement qui le mandate. Les membres de la cour constitutionnelle de même que ceux de la cour suprême qui constituent notamment le pouvoir judiciaire au Bénin sont désignés par le président de la république et le bureau de l’Assemblée nationale. La cour constitutionnelle par exemple est composée de sept membres dont trois sont nommés par le président de la république et quatre désignés par le bureau de l’Assemblée nationale. Or le plus souvent, le bureau de l’Assemblée nationale n’a pas une autre coloration politique que le gouvernement en exercice. De ce fait, il est clair que la cour constitutionnelle ne peut qu’avoir la même couleur politique que le gouvernement en exercice. Quant à la composition du corps des magistrats, détendeurs aussi du pouvoir judiciaire, on note une forte main politique du pouvoir exécutif. En effet, le corps des magistrats est composé de deux catégories à savoir les magistrats de siège (magistrats assis) et les magistrats de parquet (magistrat debout). Alors que les magistrats de siège sont inamovibles et ne dépendent d’aucune tendance politique, ceux du parquet par contre sont nommés, ce qui signifie logiquement qu’ils peuvent subir les tendances politiques voire les désirs de leur mandant.
Certes, le principe de séparation des pouvoirs ne réside pas dans une opposition politique entre les pouvoirs, mais lorsque par exemple la composition d’un organe de l’Etat dépend forcément de la volonté politique d’un autre organe alors qu’ils sont censés se faire contrepoids mutuel, il est clair que le principe de séparation des pouvoirs n’est pas effectif. Et le moins que l’on puisse dire est que la séparation des pouvoirs au Bénin est seulement théorique.
3-3. ANALYSE PROSPECTIVE POUR UNE MEILLEURE DEMOCRATIE AU BENIN
En optant pour le multipartisme et la démocratie pluraliste, le Bénin -nous ne dirons jamais assez- a fait preuve de maturité politique. En effet, en évitant la violence, l’effusion du sang et le chaos ; en choisissant la voie du dialogue, le peuple béninois dit-on, a étonné le monde entier. Le Bénin est alors considéré comme miroir pour beaucoup d’autres Etats de la sous région.
Cependant, il est à noter que la démocratie béninoise n’est pas la meilleure au monde. Loin s’en faut la démocratie béninoise, quoique ayant atteint l’âge de majorité semble agir encore comme un adolescent qui mérite d’être suivi de très près. Cet état de choses laisse peu à peu place à des comportements antidémocratiques, lesquels comportements pourraient conduire le Bénin à un régime autre que la démocratie, si l’on n’y prend garde. Par conséquent il est urgent de prendre les mesures qui s’imposent pour éloigner la démocratie béninoise du gouffre et du chaos. A cet effet, il faut nécessairement entre autres mesures, éduquer à la citoyenneté, redonner toute crédibilité aux processus de désignation des dirigeants, rendre crédible et reconnaître le pouvoir de la presse dans le processus démocratique etc.
3-3-1. Eduquer à la citoyenneté
La bonne marche du système démocratique passe avant tout par l’éducation aux droits et devoirs du citoyen, car on ne saurait parler de démocratie ou d’Etat démocratique lorsque le peuple, détenteur de la souveraineté, ne sait comment exercer sa souveraineté. En effet, le peuple qui est le souverain légitime, ne peut exercer sa souveraineté qu’en ayant science de ses droits et de ses devoirs. Or au Bénin, le peuple est majoritairement composé d’analphabètes, et il n’est plus à démontrer que cet état de choses constitue un frein à la bonne marche de la démocratie béninoise. Dans un Etat à fort taux l’analphabétisme, dans un Etat où la classe de peu d’hommes et de femmes instruits ne sont pas forcément des intellectuels, il serait illusoire, voire impossible d’espérer une démocratie au vrai sens du terme.
Au Bénin, seules les mêmes personnes ou leurs descendants animent la vie politique. Le risque que court ainsi la démocratie béninoise est de devenir une aristocratie . Cette monotonie de la vie politique béninoise est due à l’analphabétisme, on ne peut plus regrettable, de la grande masse. Dans cette atmosphère, certains dirigeants animés de peu de bonne foi, ne se limitent pas à user de leur pouvoir ; ils en abusent. La conséquence malheureuse de cette situation est le non respect du principe de séparation des pouvoirs.
Eu égard à tout cela, on ne peut s’empêcher de dire que la démocratie béninoise, même si elle n’est pas déclarée lépreuse, tout au moins présente-elle les symptômes de cette maladie.
Par conséquent il est plus que jamais urgent que les pouvoirs politiques, de concert avec toutes les autres institutions sociales, la société civile de même que les acteurs internationaux définissent une politique d’éducation civique afin de sortir le peuple béninois de son ignorance coupable.
3-3-2. Rendre crédible les processus de désignation des dirigeants
Les élections libres et transparentes, seul gage de la manifestation et symbole de la participation de tous à la gestion de l’Etat, sont de moins en moins crédibles au Bénin. Alors que le taux démographique croît, le nombre des électeurs baissent considérablement. Tout porte à croire, et cela semble vrai, qu’au Bénin les élections ne sont pas ce qu’elles devraient être. Le peuple, quoique majoritairement analphabète –mais qui, fort heureusement n’est pas bête- a cru comprendre qu’il est préférable de pas jouir de son droit de vote ou d’accomplir son devoir de vote que d’accomplir une formalité dénuée de toute crédibilité, de participer à un simulacre d’élection. A cette allure, l’on se demande s’il n’y aura d’élection où seuls les candidats iraient voter.
Au regard de tout cela, il est souhaitable que les élections retrouvent tout leur sens et toute leur portée, et ne soient plus des occasions de propagande hystérique, d’endoctrinement, d’achat de conscience, de fraude et de règlement de compte. Les scrutins doivent être l’occasion la plus propice à travers laquelle le peuple, détenteur de la souveraineté, doit s’exprimer, sanctionner ceux qui ne font pas sa volonté, et récompenser ses dignes représentants.
D’un autre côté, tout porte à croire que la Cour Constitutionnelle de part sa composition, prend la couleur politique des partis au pouvoir. Or pour la bonne marche de la démocratie, la Cour Constitutionnelle doit être impartiale et dotée d’une indépendance à l’instar des autres pouvoirs de l’Etat. De ce fait il faut que les membres de la Cour Constitutionnelle soient désignés par le peuple, ce qui garantirait l’impartialité des décisions de cette institution. Aussi, faut-il que les décisions de la Cour Constitutionnelle, plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle, prennent désormais valeur de chose jugée et non seulement valeur de chose constatée . Pour parvenir à ces solutions, il faut redéfinir les statut et règlement régissant l’Etat béninois, c'est-à-dire réviser la Constitution du 11 Décembre 1990 qui en fait, était taillée à la mesure du conteste politique d’alors.
3.3.3 Rendre crédible la presse
La liberté d’expression qui est une caractéristique du système démocratique se traduit essentiellement par le bon fonctionnement de la presse. A cet effet, la presse a pour rôle d’informer le peuple du fonctionnement de l’Etat. La presse apparaît même comme le meilleur canal pour instruire et éduquer à la citoyenneté. Pour cela, elle doit être libre, autonome et impartiale. Même si des études révèlent que par rapport à d’autres Etats qui se réclament démocratiques, la presse béninoise est en avance, il faut toutefois reconnaître que beaucoup de choses doivent être corrigées pour que la presse béninoise soit plus crédible. A y voir de près, la presse béninoise n’est pas à l’abri de tout danger. Lorsque la presse est corrompue, devenant ainsi un rameau qui se balance au gré du vent des hommes politiques animés de peu de bonne foi, il n’est plus à démontrer que le régime démocratique se dirige vers le gouffre et le chaos. Lorsque la presse n’a facilement pas accès à des informations pourtant capitales pour le peuple, il est alors clair que les règles du jeu démocratique ne sont pas respectées. Lorsque des journalistes confondent liberté d’expression et diffamation, la paix sociale est menacée et la démocratie va sans doute disparaître. Face à tout cela il est impérieux de réorganiser la presse.
Certes, il est à louer que la constitution ait confié la gestion de la presse à un organe. Dans son article 142 la Constitution béninoise du 11 Décembre 1990 assigne une mission importante à l’autorité exerçant le « quatrième pouvoir » : la Haute Autorité de l’Audio-visuel et de la Communication (HAAC), celle de garantir et d’assurer la liberté et la protection de la presse. Mais il faut nécessairement doter cet organe de toute son autonomie à l’instar des autres pouvoirs de l’Etat. La HAAC doit être un pouvoir autonome et neutre. A cet effet, ses membres ne doivent plus être nommés mais plutôt élus. Il faut aussi que la formation des journalistes soit assurée afin que soient limités les cas de diffamation ou de fausses informations, ce qui met constamment en danger la démocratie et la paix au Bénin.
CONCLUSION
Au terme de notre analyse il ressort que de tous les régimes politiques, le régime démocratique apparaît le seul qui confère véritablement au peuple –souverain légitime- le pouvoir d’exercer sa souveraineté. Néanmoins, le peuple ne pouvant exercer directement son pouvoir, le confie souvent à ses représentants qui composent ainsi les différents pouvoirs de l’Etat. Il est donc clair que la gestion de l’Etat n’incombe pas à un seul organe, encore moins à une seule personne dans l’Etat, mais à plusieurs organes se faisant contrepoids mutuel afin d’éviter les abus du pouvoir. Ce principe démocratique est appelé la Séparation des pouvoirs.
De l’idée que celui qui détient un pouvoir est toujours porté non seulement à en user, mais aussi et surtout à en abuser, Montesquieu que préconise que pour éviter l’abus du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Ainsi énoncé, le principe de la séparation des pouvoirs apparaît-il comme le principe qui fonde essentiellement le régime démocratique. C’est dans cet ordre d’idées que nous avons tenté de montrer comment le principe de la séparation des pouvoirs garantit la bonne marche de la démocratie. Grâce à une étude conceptuelle des notions de Séparation des pouvoirs et de Démocratie, nous avons essayé de montrer qu’il n’y a de démocratie que de séparation des pouvoirs.
Par ailleurs nous avons actualisé l’application du principe de la séparation des pouvoirs en passant à la loupe le fonctionnement des différents pouvoirs du système démocratique béninois. A ce sujet, la démocratie béninoise fait l’objet de quelques dérives, et il est urgent de les corriger pour hisser le Bénin au rang des nations démocratiquement bien assises. Pour ce faire, il faut entre autres revoir et corriger les textes fondamentaux régissant l’Etat béninois, notamment la Constitution du 11 Décembre 1990. Comme on peut le constater, l’idée de traiter d’une thématique actuelle et dans le cadre d’une recherche en maîtrise relève d’une volonté d’appliquer au réel les théories que nous avons apprises dans notre formation en philosophie politique. Toutefois, nous reconnaissons qu’il s’agit d’une aventure scientifique dont nous percevons les limites, et nous ne prétendons pas avoir fait un travail parfait, mais loin s’en faut nous reconnaissons qu’il peut toujours être amélioré. A cet effet nous comptons sur vos critiques et vos apports pour donner à ce travail toute sa portée et son intérêt scientifiques.
|
|